Edito 2021 :

Il y a tant de choses précieuses au Brésil que je n’aurais pas assez d’une vie pour toutes vous les présenter. Je vous emmène cette année dans la baie de Paranagua, PR, merveille d’écosystème estuarien. Cette zone naturelle est enclavée entre les hautes montagnes de la Serra do mar, à l’Ouest, 2000m d’altitude, constituant la bordure orientale du continent Sud-Américain, et l’Océan Atlantique à l’Est. Un espace privilégié, tellement arrosé que les hommes ne s’y sont que peu implantés ! Ici l’eau de la mer, l’eau douce et la terre s’interpénètrent pour alimenter le foisonnement de la vie. C’est le domaine du Bosque atlantico, long cordon de forêt pluvieuse suivant la côte brésilienne.

La diversité est tellement riche que de nombreuses réserves naturelles y ont été créées afin de protéger la maison des Trogons, des Cattleyas, et des Ocelots. Des Hommes aussi, comprenons le bien. La forêt est si dense, les pentes si sévères qu’il est difficile de circuler pour nous humains, facilitant ainsi la sauvegarde de cet espace. Dans les bras de cette mer métissée, d’eau douce et marine mélangées, les huîtres, les crevettes et toute la faune des estuaires prospèrent abondamment. Cette faune et cette flore attirent également à eux les chasseurs de haute mer, dauphins en tête, qui viennent s’y nourrir et s’y reproduire. L’estuaire sert donc à la fois de garde manger et de pouponnières pour le habitants du grand large.

Grâce à un état écologique revenu à son état d’origine, la baie a regagné sa place dans tout l’écosystème régional, assurant une fonction essentielle pour la vie pélagique du grand large. Pourtant les hommes sont présents depuis fort longtemps : accessible par la mer, la zone a fait l’objet, très tôt dès le 16ème siècle et pendant de nombreuses années, de l’exploitation de l’or qui gisait dans ses rivières. Aujourd’hui, le gisement est épuisé et les traces de cette dévastatrice exploitation ont été digérées par l’écosystème, tant sa capacité de résilience est grande. Les populations humaines sont concentrées sur deux endroits : la ville de Paranagua avec son port immense et ses millions de tonnes de produits agricoles qui y transitent, et le village de Guaraqueçaba, peuplé de pêcheurs-agriculteurs qui vivent de manière quasi autonome. Ces  métis d’amérindiens et de descendants d’esclaves africains perpétuent un mode de vie ancestral, grâce auquel on peut dire que la tribu humaine peut aussi très bien s’inscrire dans l’écosystème qui les entoure, sans le dévaster.

Curieuse confrontation en cet endroit privilégié, entre une nature ayant retrouvée sa virginité, des représentants d’une humanité que nous sommes en train d’oublier, et les acteurs de la mondialisation et de la technologie, expression de la plénipotentialité de l’homme à l’échelle de la planète. Tous trois cohabitent dans ce lieu extraordinaire. Une curieuse juxtaposition qui peut nous amener à réfléchir sur notre posture humaine face à nos collègues sauvages.