Maux croisés

Dans notre écosystème terrestre, une multitude de relations se sont construites au fur et à mesure que la vie s’est développée : les fleurs nourrissent les insectes qui leur assurent la fécondation, les prairies nourrissent les herbivores qui leur assurent la protection en empêchant les arbres de pousser, les herbivores nourrissent les carnivores. D’une manière générale, les proies nourrissent les prédateurs qui régulent ainsi la population des proies, laquelle population régule le nombre de prédateurs. Cette interaction maintient les conditions écologiques favorables à l’existence de tous…

Pendant la longue période de l’Eden, avant l’apparition de l’homme d’après ce que nous disent les livres, l’état de climax était la règle. La terre, les océans, l’atmosphère accueillaient les plantes et les animaux qui interagissaient en permanence. Le système synergique qui résultait de ces interactions maintenait un équilibre stable et favorable à tous, que l’on nomme communément climax.

La nature de ce climax dépend de nombreux facteurs que l’on peut regrouper au travers de deux prismes : d’un côté la qualité des conditions abiotiques (température, nature du sol, disponibilité de l’eau…) et de l’autre les facteurs biotiques (la diversité des espèces). La modification d’un des paramètres, biotique ou abiotique, peut être à l’origine d’un déséquilibre important de la totalité de l’écosystème.

Le développement de la vie sur notre planète est le fruit, depuis l’origine, de l’existence de conditions favorables : une interaction fertile entre la lumière et les conditions physico-chimiques terrestres : la disponibilité de l’eau liquide, la pluviométrie, la température, la chimie du sol, entre autres. Ces paramètres ne sont pas vivants mais créent les conditions favorables à la vie de tous. L’énergie qui est à l’origine de ce développement est la lumière : c’est le soleil qui alimente de ses rayons les végétaux, premier stade du vivant, début de la chaîne alimentaire et de la vie. Les végétaux captent les éléments que sont l’air, l’eau, la lumière et la terre pour se constituer. Ce sont les plantes les seuls êtres vivants capables de se nourrir des facteurs abiotiques. Tous les autres se nourrissent directement ou indirectement de cette base de la chaîne alimentaire.

C’est cette énergie captée par les végétaux qui permet de fabriquer les sucres, amidons, celluloses, qui constituent les premières briques de la matière vivante. En fabriquant ces molécules structurées à partir d’air et de lumière, la vie chlorophyllienne alimente la chaine alimentaire à deux niveaux. D’un côté, elle fournit les briques, les molécules biochimiques élaborées, nécessaires à la construction des nouvelles molécules des herbivores. De l’autre, elle leur fournit la matière énergétique nécessaire à leur transformation et à leur vie. En dégradant ces molécules qu’ils consomment, les êtres vivants recueillent l’énergie stockée dans ces molécules vivantes, disposant ainsi de l’énergie nécessaire à leur propre vie. Sauf pour les plantes chlorophylliennes, on peut dire que la mort des uns alimente la vie des autres.

Regardé de la sorte, on comprend que cette énergie est de l’énergie solaire stockée sous forme chimique. Cette matière-énergie est progressivement utilisée comme matière ou comme énergie, jusqu’à être transformée en d’autres molécules qui constituent les tissus de toute matière vivante, et des êtres vivants.

Cette dynamique de construction-destruction, de production-consommation permanente est à l’origine de l’équilibre relativement stable de l’écosystème, mais aussi de sa grande résilience. La modification d’un des paramètres engendre systématiquement une rétroaction qui en limite la portée : un excès de prédateurs va diminuer le nombre de proies, ce qui va de fait limiter le nombre de prédateurs pouvant s’en nourrir ! Mais les exemples sont nombreux : les espèces pathogènes, si elles sont trop létales, engendrent leur propre perte par l’extermination de leurs hôtes. Les excès, comme ceux de la population humaine aujourd’hui, provoquent assurément un changement qui est fatal à la source du problème. Cela constitue un des principes de la rétroaction stabilisatrice.

L’existence de l’écosystème témoigne, en la matérialisant, de l’efficacité de cette rétroaction systémique, de cette synergie existante entre tous ces êtres vivants.

On comprend également que l’interdépendance est totale entre tous les individus de l’écosystème : c’est parce que les uns vivent que les autres peuvent vivre.

La dynamique de l’écosystème

La diversité peuplant les écosystèmes est animée par un tropisme valable pour chaque espèce : l’instinct de survie. Chaque espèce se reproduit au maximum, et ce sont ses prédateurs qui régulent sa population. Ce phénomène engendre une forme de pression sur l’écosystème : dès qu’une nouvelle niche écologique se libère ou apparait, des espèces qui se reproduisent en masse se proposent pour l’occuper et l’ensemencer. La dynamique de conquête et de reproduction qui anime chaque espèce pour assurer sa propre survie crée un tropisme de développement qui assure une résilience optimisée sur le long terme : toute partie de l’écosystème endommagé est un champ ouvert au développement d’une autre espèce, ou au retour de celle qui occupait la niche écologique auparavant.

Mais, sur du court terme, les actions de l’homme sont parfois très perturbatrices et ne laissent pas le temps à l’écosystème de réaliser la réparation nécessaire.

Il en est ainsi par exemple dans les grands parcs américains, d’où les loups avaient été exterminés.

Ne disposant plus de prédateurs, les populations de caribous ont explosé en quelques années, causant un véritable problème de destruction des prairies, des marais, ou des forêts. L’homme a donc réparé cette bévue et de nouveaux loups ont été réintroduits. Cela a eu pour effet de réguler l’énorme population de caribous qui dévastait toute la végétation et de rétablir un écosystème en bonne santé, sans espèce dominante permettant ainsi à d’autres plantes et animaux, dont des herbivores, d’exister. En n’étant plus surpâturées, les prairies ont retrouvé une biodiversité qui était en voie d’appauvrissement. Les espèces d’insectes se sont diversifiées. Malgré ce foisonnement d’espèces, chaque individu trouve aujourd’hui, dans son environnement immédiat, le nécessaire pour se nourrir et exister.

Cela n’est possible que si les conditions de vie ne sont pas complètement dégradées et si les espèces n’ont pas complètement disparues. Car à ce jour, les conditions chimiques, de températures et climatiques ne sont plus stables du fait de l’action de l’homme et de tous les poisons qu’il répand.

La « fatal error » de l’espèce humaine : l’empoisonnement de la biosphère

Le réchauffement climatique et l’effondrement continu du nombre d’animaux sauvages sont reconnus aujourd’hui par tous les scientifiques et les politiques. La nature a perdu 70% de la faune de vertébrés sauvages ces 50 dernières années : cette information est certifiée, mesurée par tous les scientifiques du monde. Il suffit de passer un peu de temps dans la nature pour se rendre compte que les oiseaux ne font plus autant partie du paysage qu’auparavant.

Si le consensus existe sur le rôle des gaz à effet de serre dans le changement climatique et l’élévation des températures, une curieuse omerta touche encore la véritable source à l’origine de cette disparition massive.

Un constat facile à faire, et que nous avons tous fait, est que la quantité d’insectes qui heurtent nos voitures lors des déplacements a considérablement diminué ces 20 dernières années. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de s’arrêter pour nettoyer le pare-brise lors des longs trajets d’été : la faune des arthropodes s’est fait décimer !

Le changement climatique n’est pas la source de cette extinction de masse : les insectes sont présents dans tous les écosystèmes de la terre et en sont un maillon essentiel. Ils sont très mobiles et peuvent suivre les climats au fur et à mesure que ceux-ci remontent vers le nord ou vers les plus hautes altitudes. On le constate déjà pour un certain nombre d’espèces. Mais la quantité même d’insectes, toutes espèces confondues, s’effondre de manière catastrophique ! Les chiffres oscillent entre 40 et 70% de la biomasse d’insectes qui a disparu. Ils n’existent tout simplement plus : leur population a tellement diminué que de nombreuses espèces sont classées en voie d’extinction. Certains scientifiques projettent qu’à ce rythme, tous les insectes auront disparu dans 100 ans…

L’inconvénient est que le rôle écologique des insectes est absolument essentiel : au-delà de la fécondation des plantes nécessaires à l’homme, ils sont un maillon clé des chaînes alimentaires. En diminuant leur nombre, ce sont tous les prédateurs d’insectes comme les oiseaux insectivores ou les poissons de rivières se nourrissant de leurs larves, qui meurent de faim !

Quel est le facteur qui peut à ce point impacter ces êtres vivants ? Ce facteur de destruction impacte tous les insectes, quel que soit leur milieu de vie. Si on ajoute à cela la destruction des vertébrés, on ne peut que constater que c’est l’ensemble des écosystèmes qui subit cette extermination.

Mon interprétation est que les progrès technologiques nous ont amenés à répandre des produits hautement toxiques dans la nature, et que cela a pour effet de détruire les populations d’animaux sauvages.

Une étude récente réalisée par une université allemande a démontré que l’eau de pluie, aujourd’hui, n’est plus potable. Elle est notamment contaminée par des molécules de fluorocarbone complexes, qui sont des poisons qualifiés d’éternels. Ces produits sont utilisés dans certains pesticides, mais surtout comme agents de traitement des tissus pour les rendre étanches. Ils sont toxiques à très très faible dose, et non biodégradables. Ils circulent dans l’atmosphère et sont entraînés par la pluie vers le sol où ils contaminent les milieux aquatiques, les sols et l’air. Cela signifie que les animaux qui se servent de l’eau de pluie comme source de breuvage s’empoisonnent en même temps qu’ils se désaltèrent ! Mauvais présage !

Si, à cela, nous rajoutons les effets d’autres pesticides en circulation dans l’atmosphère, les sols et l’eau et que nous prenons en compte l’énorme quantité de microplastiques en suspension dans l’eau des océans, plastiques occupant la niche écologique du plancton, nous sommes obligés de constater que l’impact de l’homme sur le milieu naturel est gravement catastrophique. La diminution de près de 50% du plancton depuis 1950 nous prive de la captation de 50 millions de tonnes de CO2 par jour. L’omniprésence de produits hyper toxiques fait mourir tous les animaux.

Moins de vie, plus de gaz à effet de serre… notre société industrielle nous fait cheminer vers l’apocalypse.

Il me semble absolument urgentissime d’interdire complètement ces poisons persistants, et d’en parler ouvertement, loin de l’omerta qui règne actuellement.

La vie bénéficie d’une grande capacité de résilience grâce à sa capacité d’adaptation et à sa grande diversité. Mais, en rappelant les paroles de Gilles Bœuf, je dirai que pour qu’elle se régénère, il ne faut pas qu’elle ait complètement disparue !

Restons vigilants !

Et agissons.

Références :