Être et devenir
Dans mon rôle de timonier de l’entreprise, j’ai reçu un jour d’un de mes cadres une remarque inspirante autour de sa difficulté à maintenir la performance nécessaire de son équipe. Notre échange a abouti à une remarque fructueuse dont je tiens à vous faire part.
Le travail d’un cadre consiste, je le rappelle, principalement à rendre opérationnel une équipe de personnes et de moyens de production, à gérer les relations avec les personnes internes et externes, et à organiser le travail de manière cohérente avec le reste du système que nous constituons, l’entreprise. Cela dans le but de garantir la survie et le développement de notre entité, avec toutes les diversités qui la constituent.
L’équipe de ce cadre était dans la difficulté : les personnes se parlaient peu, se méfiaient des autres, vivaient dans la crainte de mal faire. Dans ce contexte, chacun se refermait pour ne pas s’exposer et la situation s’empirait de jour en jour.
« Les gens de mon équipe sont renfermés, ne sont pas capables d’échanger, pas ouverts. Je ne leur fais pas confiance dans la conduite des affaires que je leur confie et je suis obligé de tout contrôler car ils n’ont pas d’autonomie. Heureusement que je suis là pour compenser ces fardeaux »
Je lui répondais : « si le système qui marchait bien a évolué vers une situation dégradée, c’est que son état n’est pas définitivement fixé ! La situation actuelle peut être vue comme un état transitoire entre un passé et un futur, et l’instantané que nous pouvons tirer aujourd’hui est le fruit de ce qui s’est passé auparavant. Demain dépendra de ce que nous faisons aujourd’hui. La situation a montré quelle pouvait évoluer, faisons là évoluer dans le bon sens, vers une situation plus positive. De même pour les personnes de ton équipe, s’ils sont ainsi, ils ne le sont pas définitivement. Simplement dans ce contexte, dans cet écosystème constitué par cette équipe, ils apparaissent ou se comportent de la sorte. Mais qui est la cause de la déviance du système ? Les individualités, le management, la manière de concevoir le monde ? »
Je crois bien que la question fondamentale est bien celle du modèle de monde qu’il concevait que résidait le problème.
Car la perception que chacun ressent n’est pas uniquement l’affaire de ce qui se passe à l’extérieur de soi : les signaux que nous recevons sont immédiatement traité par notre imprinting culturel qui nous a construit jusqu’à aujourd’hui, et ce que nous pensons être la vraie vérité du monde est déjà une vision interprétée par notre esprit, par notre histoire, notre vécu émotionnel. En l’occurrence, la vision qui consistait à associer son équipe à une série de personnes dans des états immuables donne peu de place à la possibilité d’évolution du système. Dans sa représentation du monde, les choses sont, définitivement, inéluctablement, toujours identiques à ce qu’on sait d’elles qu’elles sont ! Aucune place au doute pour un possible changement, pour une possible évolution dans la posture des personnes qui constituent le groupe.
Une autre vision du monde est possible : plutôt que de penser que nous sommes tels que nous sommes et trouver dans ce côté immuable et éternel notre manière de nous savoir exister, de nous identifier, nous pouvons considérer que nous sommes le fruit de ce que nous n’avons cessé d’être, et qu’aujourd’hui, nous sommes en train de devenir celui que nous serons demain.
Nous sommes chacun ce que notre histoire a construit avec nous. Seul notre individu a vécu exactement ce que nous avons vécu, seul nous-mêmes avons fait les expériences qui nous servent de références culturelles, idéologiques, sociales, politiques, médiatiques. C’est ce cumul d’expériences, de savoirs, qui fait de nous ce que nous sommes. Mais au fur et à mesure de l’avancée de nos expériences, notre compréhension du monde a évolué et nous modifions tous les jours un peu notre mode d’existence, notre sentiment d’être. C’est pourquoi on peut dire que notre vécu actuel est le point de départ de notre futur ! Donc tout est possible !
Les démons qui nous entourent sortent avant tout de nous-mêmes !
Crédit photo : Pixabay
La graine de séquoia ne reste pas dans son état initial: malgré ses 5mm de longueur, elle est potentiellement un arbre de près de cent mètres de hauteur.
T’es beaux texte Marc. Tirez le meilleur de chacun de ses collaborateurs, de nous mêmes t’elle est la quête du manageur et aussi de chacun d entre nous.
En espagnol, le verbe être se dit de 2 manières : « Ser » ou « Estar ».
« Ser » renvoie à l’état fondamental et inhérent d’une personne.
« Estar » renvoie aux états passagers d’une personne, susceptibles de changer.
Finalement, entre « être » et « devenir », entre l’immuable et le changeant, l’étape transitoire, c’est peut-être ce « Estar » espagnol.
« Estar », à la fois Être et Changer.
« Estar », à la fois Être et Devenir.