Les objectifs du développement durable des nations unies :

  1. Éradication de la pauvreté ;
  2. Lutte contre la faim ;
  3. Accès à la santé ;
  4. Accès à une éducation de qualité ;
  5. Égalité entre les sexes ;
  6. Accès à l’eau salubre et à l’assainissement ;
  7. Recours aux énergies renouvelables ;
  8. Accès à des emplois décents ;
  9. Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation ;
  10. Réduction des inégalités ;
  11. Villes et communautés durables ;
  12. Consommation et production responsables ;
  13. Lutte contre le changement climatique ;
  14. Vie aquatique ;
  15. Vie terrestre ;
  16. Justice et paix ;
  17. Partenariats pour la réalisation des objectifs.

Les objectifs du développement durable des nations unies concrétisent un projet ambitieux d’amélioration de nos sociétés. L’intention est la pérennisation de notre civilisation et de notre écosystème, ainsi que l’amélioration de la qualité de vie de chacun des habitants de cette planète. Plus de respect, d’égalité, d’instruction, d’accès aux biens naturels nécessaires à de bonnes conditions de vie sont des axes essentiels de ces objectifs. Cette liste peut être vue comme un inventaire de ce qui doit constituer le socle d’une société idéale, respectueuse de l’individu et de la société dans laquelle il vit, respectueuse aussi des espèces et de l’écosystème planétaire. Cette liste constitue aussi et surtout un appel à évolution. Évolution dans la manière de concevoir l’humanité, l’autre, la nature, la connaissance…

Un pari de grande ampleur

La mise en œuvre de cette évolution est un pari de grande ampleur : cela signifie que nous devons inventer un certain nombre de nouvelles pratiques, de nouvelles idées, un nouveau paradigme peut-être, afin qu’un nouveau fonctionnement global qui respecte les objectifs du développement durable soit mis en place. Nous devrons peut-être remettre en question une partie de notre référentiel culturel, nos croyances, nos sources de motivation. Mais comment pouvons-nous amener notre système à adopter ces nouveautés, à accepter ces innovations sans tout chambouler ?

L’évolution doit se faire pas à pas, en innovant, mais en étant bien conscient que cette innovation va avoir un effet sur l’équilibre instable qui habite notre société. Le tissu de relations sociales et économiques, le fonctionnement financier, l’origine de la motivation qui nous mène à construire la société dans laquelle on vit, tout cela crée un univers relationnel complexe qui peut être bouleversé par une innovation ! Cette complexité, c’est un jeu de mikado ! Tout est imbriqué dans tout, chacun porte en lui tout, chacun porte et est porté par tout ! Nous devons être bien conscients de cela lorsque nous projetons nos actes et nos propositions d’évolution, de changements, d’innovations : nous agissons dans un environnement socio-économico-culturel complexe, et notre action projetée subira demain le flot de la complexité.

Nous devons également concevoir notre action dans le temps car, à l’instar de ce qui se passe dans un écosystème, les changements qui sont lents ne perturbent pas l’équilibre en place mais le font évoluer. La société également prend du temps pour adopter une nouvelle idée, nouvelle technologie, nouvelle motivation : le temps de construire l’innovation et de la répandre dans la société. Mais les objectifs du développement durable doivent toujours être maintenus en vue et en projet, afin de ne pas perdre le sens de l’action.

Le Larousse nous propose trois définitions de l’innovation : deux dans le domaine de l’industrie, une dans le domaine social.

Les deux définitions traitant des affaires industrielles évoquent l’apparition de nouveaux produits ou procédés, englobant tout le processus depuis l’idée créatrice jusqu’à sa production en série. Ce type d’innovation est nécessaire dans notre chemin vers le développement durable, pour que les vieilles solutions techniques polluantes par exemple, soient remplacées par de nouvelles technologies plus efficaces et en même temps beaucoup plus durables. Le progrès technique que les innovations industrielles, à travers la révolution numérique, ont fait faire à notre société ces 20 dernières années est complètement hallucinant. Elles ne sont pas faites dans un souci de développement durable mais elles ont envahi notre quotidien et ont changé radicalement notre vision du monde. Des révolutions dans le domaine durable peuvent également apparaître et changer des pans entiers de l’économie : le remplacement probable du pétrole par l’hydrogène va solliciter sérieusement les magnats du pétrole !! Ils vont devoir s’adapter sous peine de disparaître. Et l’adaptation passe par l’innovation.

L’innovation technologique a un rôle à jouer très stratégique dans notre projet. Nous devons mettre notre capacité d’innovation et toute notre intelligence à inventer les solutions techniques respectueuses de l’espèce humaine et de l’environnement.

Du côté social, la définition du Larousse porte sur l’évolution des normes sociales, leur renouvellement. Ce volet essentiel, avec celui de l’environnement, constitue un des piliers de ces objectifs du développement durable. C’est une invitation à l’élaboration d’un nouveau contrat social plus humaniste, plus équitable, plus respectueux des femmes et qui inclut l’environnement comme paramètre de la société. Une valeur est donnée pour des thèmes de l’ordre de la qualité de vie, en prenant soin de l’être humain en tant qu’individu, sujet, mais aussi en tant qu’individu, représentant de l’espèce.

Mais faire évoluer les mentalités nous oblige à nous attaquer à un des monuments de notre civilisation : la tradition économico-socio-culturelle, la manière actuelle de fonctionner. En cherchant à modéliser le fonctionnement de nos sociétés pour le faire évoluer, et le fonctionnement de notre pensée pour accompagner cette évolution, apparaît toute la complexité du tissu culturel, des croyances aux représentations, de la construction des identités individuelles à l’identification de chacun au projet du groupe, de la communication politique à la réalité économique. Ainsi entremêlé, cet enchevêtrement de vecteurs assure la cohésion du système mais, en même temps, génère les tensions qui s’y déroulent. Nous pouvons également voir dans la tradition culturelle l’expression des religions, des croyances les plus farfelues, de l’histoire de nos esprits, la symbolique des langues, la représentation de la place de l’espèce humaine dans son rapport à la nature, la valeur de l’argument économique et la place que nous donnons à l’argent et au pouvoir ! Pour atteindre un équilibre durable, tous ces domaines doivent être pris en compte, réobservés, réévalués et peut-être aussi reconstruits, repositionnés les uns par rapport aux autres. Il est également à considérer que nous partons de bases culturelles très diverses sur la planète, et qu’une innovation qui peut paraître un progrès dans notre contexte culturel peut provoquer parfois dans d’autres cultures des réactions très défavorables, peut-être dans des domaines très éloignés de ceux prévus par les objectifs originels du phénomène innovant !

Dans tous les cas, l’innovation vers le développement durable, en tant qu’élément de progrès et de changement de la société, met à l’épreuve la tradition, l’état d’avant, en l’obligeant à ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde, à voir le monde d’une autre manière, à faire un pas vers une nouvelle manière d’être.

L’évolution remet en cause l’existant.

La confrontation entre l’ancien et le nouveau peut s’avérer parfois explosive et passer d’évolution à révolution. Nous devons savoir accompagner l’évolution spontanée de la société sur le chemin du développement durable, sans passer par la phase révolutionnaire. Comme la chenille devient papillon, notre société doit se métamorphoser : rester la même tout en étant très différente ! Nous devons maintenir des repères tout en construisant de nouveaux référentiels, maintenir les confrontations structurantes et les concurrences économiques, tout en essayant de ne pas casser ce qui fonctionne convenablement. Nous devons cheminer vers une forme d’équilibre social et écologique que l’on pourrait qualifier de climax éco-sociologique.

Conduire un tel changement nécessite d’innover dans un nombre incalculable de domaines. Mais, comme nous l’avons vu, l’évolution remet en cause le domaine où son effet se porte. Et comme l’a très justement conçu Edgar Morin avec le concept de l’écologie de l’action, lorsque nous lançons une action dans un environnement donné, cet environnement réagit à l’apparition de cette nouveauté en offrant une réaction à l’action. Aussi, l’auteur de l’action perd son contrôle et c’est l’environnement qui décide du futur de cette action. Cela peut paraître abrupt, mais Edgar Morin met l’accent sur l’importance de la prise en compte de l’environnement dans la conduite de projets.

Ce concept s’applique parfaitement à la thématique du cheminement vers le développement durable : il ne suffit pas d’innover, il faut arriver à faire s’exprimer cette innovation dans le cadre de la société. Il faut arriver à ce que cette trouvaille soit connue, valorisée, utilisée et partagée par le plus grand nombre. L’objectif est que les individus constituant cette société adoptent réellement, matériellement, culturellement cette innovation.

Mais cette performance ne coule pas de source car parfois, les évolutions mettent en péril des secteurs entiers qui doivent être réformés. Ces domaines, parfois apparemment très éloignés du domaine de la proposition d’évolution, peuvent se sentir extrêmement concernés par le sujet, et agir et prendre position par rapport à ces innovations, en les favorisant ou au contraire en les défavorisant.

La meilleure des innovations peut très bien être mise en boîte et jetée aux oubliettes si elle vient perturber un opérateur puissant. Combien de brevets révolutionnaires de moteurs à explosion ou à hydrogène ont été achetés par les compagnies pétrolières pour ne pas voir se développer un marché concurrent au leur ? Combien de technologies de recyclage ont été étouffées dans l’œuf pour ne pas diminuer les tonnages mis en décharges ? Aujourd’hui nous voyons des entreprises hyper innovantes se faire harceler par les services de l’Etat, lesquels ne disent rien sur les technologies anciennes et polluantes détenues par les majors ! Un cheminement vers le développement durable ne peut pas laisser perdurer de tels agissements réactionnaires. L’évolution de la société vers le développement durable nécessite une volonté politique forte et courageuse. Elle oblige à redistribuer les cartes de l’économie à des opérateurs nouveaux, en rupture avec la tradition. Cela oblige une partie du monde politique à changer ses relations avec le grand capital.

Comment donc rendre possible l’évolution de la société vers le développement durable ?

Je pense que la première chose est de bien s’imprégner des objectifs internationaux, et de comprendre les secteurs économiques qu’ils impactent. Il est indispensable de bien identifier ces derniers car c’est à ce niveau-là qu’existe le plus grand risque de réactions hostiles qui viendraient contrer la libre conduite de l’évolution.

Ensuite je pense que nous devons être à l’écoute des signaux faibles, des petites innovations du fond du garage, de toutes ces idées qui germent dans la société. Elles peuvent parfois amener de grandes révolutions sociales et sociétales. Nous devons les écouter et les contextualiser pour identifier leur potentiel de progrès et leur potentiel de perturbation. La promotion des meilleures de ces idées nouvelles est une des actions qui nous fait cheminer vers le développement durable.

L’objectif est de permettre à ces idées, ces technologies, ces méthodes, d’agir sur la société et d’accomplir une part de la métamorphose nécessaire.

Il faut accompagner les porteurs de projets et les soutenir dans leur combat contre les forces de réaction de leur environnement. Il faut beaucoup de courage, de ténacité, de persévérance pour qu’un inventeur voie aboutir son projet innovant. Dans le cadre de ce soutien, il faut également lutter activement contre la corruption qui est souvent conduite par les détenteurs des marchés en cours, lesquels n’ont aucune envie que cet état de fait ne change.

Les acteurs des secteurs économiques stratégiques agissant à l’échelle des pays sont souvent des multinationales peu agiles et très puissantes. Face à l’évolution proposée par les objectifs du développement durable, ces financiers-industriels ne disposent que de deux options : s’adapter, ou empêcher l’évolution de se faire, afin de conserver leurs marchés initiaux. Force est de constater qu’hélas ils ne disposent pas d’une grande capacité d’adaptation ! Là réside un grand seuil de résistance qu’il est important de bien négocier.

C’est aux politiques courageux que revient cette lutte pour l’évolution.

Enfin, pour que notre société devienne une société durable, qu’elle devienne un climax éco-sociologique, que nous y vivions heureux, nous devons aussi accepter que nous allons changer nos référentiels, notre perception/projection de notre quotidien. Nous allons donc nous aussi devoir évoluer pour nous construire une nouvelle manière de voir le monde, une nouvelle représentation de notre existence dans cette société et sur cette planète.

C’est à ce prix que nous serons pleinement satisfaits de notre nouveau mode de vie.